L’Orégon en cartes postales
le 11/09/2014
Encore largement méconnu des Français, l'Etat de l'Oregon, sur la côte Ouest des Etats-Unis, offre un étonnant raccourci de l'ensemble de la grande Amérique. Après les classiques, New York et Frisco, il mérite qu'on s'y attarde. Découverte…

"Ici, les Etats-Unis vous offrent le meilleur". Kieron, notre guide, gueule d'ange et voix de dessin animé made in USA est très sérieux. Car son Oregon, - du français "Ouragan"- il l'aime, pas de doute là-dessus. Il est vrai que ce bout d'Amérique entre Californie et l'Etat de Washington, à proximité de l'Utah, des Mormons, du Nevada et de l'Idaho, à une encablure de la Colombie Britannique canadienne, offre un peu de tout ce que peut proposer l'ensemble de cet immense pays. Un kaléidoscope des USA. Une Amérique en modèle réduit. Voici, comme des cartes postales, quelques instantanés de cet Etat qui se proclame rien moins qu'épicurien et écolo en diable. Tout un programme...
Portland…
L'Orégon, donc, grand comme une petite moitié de la France, sur la côte Pacifique, est d'abord connu non pas pour Salem, sa capitale - où il n'y a plus depuis longtemps de sorcières !- mais pour sa ville principale Portland qui fut, au mitan du XIX ème siècle, entrainée dans la rue vers l'or. Région sinistrée dans les années 60-70 avec la fermeture des usines de papier, de conditionnement de poisson et de construction navale, elle a résolument misé sur les high-tech et les industries du outdoor, du plein air.
Aujourd'hui, vivent ici un demi-million de personnes, jeunes en majorité, venus assez souvent des autres Etats. Attirés par la qualité de la vie, la religion du bio et du corps, …et l'absence de TVA, spécificité locale qui n'existe que dans deux autres Etats et qui, par comparaison, rend la grande Californie toute proche et si attractive, presque hors de prix.
Portland est aussi une ville où les pistes cyclables sont très nombreuses, les transports en commun partout, ce qui est plutôt rare dans un pays ou la bagnole est reine : métro léger - le Max light rail- , bus, trolleys ou tram (gratuits) sont nombreux. Moult jardins et parcs présentent une nature à l'état sauvage est préservée. Bref, pour Portland et sa banlieue, deux millions d'habitants sur un État qui en compte à peine trois et demi au total, la qualité de vie prime.
Economies d'énergie…
A Portland, la "Cité des roses" car l'International Rose Test Garden, le plus ancien jardin public de roses abrite quelque 8000 rosiers, mais surtout patrie de Nike, des célèbres lignes de vêtements de sports Columbia ou encore de l'important centre de R&D pour Intel dans le secteur des technologies de pointe, on vit bien. Sainement. A l'heure du "green". La qualité de vie est un leitmotiv et après cinq minutes de discussion avec un portlander, la conversation dévie inévitablement sur ce thème. Les économies d'énergie sont là encore une préoccupation constante pour chacun.

Quelques exemples originaux aperçus au fil des balades: le four de la pizza de Hotlipspizza.com chauffe l'ensemble du bâtiment dans lequel le restaurant est installé ; non loin de la gigantesque librairie Powell's book qui propose plus d'un million de livres, quatre éoliennes plantées en haut d'un immeuble, fournissent l'énergie de l'ascenseur. Quant à la salle de sports, Green Microgym, elle alimente un générateur en recyclant un bon tiers de l'énergie dépensée et offre, en contre-partie, une ristourne aux utilisateurs de tapis roulant et autres appareils de sport en salle !

Bio et lowcarb...
La nourriture provient surtout de la région -à 80% dans les restaurants- et l'on s'efforce de manger frais et "low carb" (faible en CO2), selon la formule en vigueur ici. D'ailleurs, ce qui est très rare en Amérique, tous les samedis, des "farmers market" accueillent dans certains quartiers des producteurs de fruits et légumes, mais aussi de fromage ou de miel. Et l'on vient faire ses achats à pied, en vélo ou en transports en commun, ce qui est assez banal pour nous mais inhabituel aux States.
Même si l'on est effaré, nous Européens, de rencontrer autant de jeunes obèses qui ont largement dépassé les cent kilos. Certains sont même dans des petites voitures car ils n'arrivent plus à se déplacer avec leurs jambes… Et comme on est en Amérique et que le communautarisme n'est pas un vain mot, ces personnes sont en train de s'organiser en groupes de pression pour ne pas être ostracisés et bénéficier de droits particuliers eu égard à leur état physique.
De l'art dans la rue…
Dans cet Etat progressiste où l'on a voté à une très large majorité pour Obama, où l'on parle et débat sans fin sur l'éventuelle légalisation de la marijuana, on vit tard tous les soirs, surtout en centre-ville. Les centaines de bars et restaurants - souvent branchés et de qualité- ne désemplissent pas dès la nuit tombée du jour et jusque tard dans la nuit. Les manifestations artistiques, musicales et théâtrales, sont aussi très nombreuses et très fréquentées.

Et, il existe moult musées thèmatiques, des expos interactives pour toute la famille, etc. Les galeries de peinture ne sont pas en reste et très dynamiques. Chaque premier jeudi du mois, elles sont ouvertes au public le plus large et organisent jusque tard un nouveau vernissage. Et, chaque dernier jeudi du mois, dans le nord-est de la ville, sur l'Alberta Street, l'art s'affiche même dans la rue avec des toiles à même le trottoir.

Messieurs, à vos… jupes !
A Portland, ville où tout est permis, parfois loufoque, on cultive l'irrévérence new-yorkaise : vous pourrez rencontrer au coin d'une rue un homme vêtu d'une jupe qui va faire ses emplettes sans que quiconque se retourne sur lui. Croiser ce groupe de trois filles le visage entièrement maquillé de rouge vif.

Ou cette autre avec une crête jaune bien coupée d'Iroquois. Et aussi, à minuit, être dépassé par deux compères partis faire leur jogging jusqu'en bordure de l'agglomération. Moins surprenant - encore que - est la rencontre avec Mark et Jennifer Bitterman qui ont monté il y a quatre ans The Meadow, une boutique qui vend plus d'une centaine de sels différents, quelque trois cent sortes de chocolats et des vins du monde entier. Selon les propriétaires, leur affaire fait un malheur et est du dernier chic, même si l'on a un peu de mal à mesurer à sa juste valeur l'intérêt d'avoir à choisir entre autant de sels. Le rose de l'Himalaya, vieux de 500 millions d'années, semble tenir la corde.
Entre bières et vins…
Depuis plus de deux décennies, Portland est au cœur de la renaissance du métier de brasseur. Avec près d'une quarantaine de brasseries, Portland est particulièrement active dans ce domaine certains la surnomment même "Munich sur Willamette", du nom de la rivière qui coule à proximité. Mais c'est surtout le vin de l'Oregon - dont la réputation a franchi aussi bien l'Atlantique que le Pacifique - qui est particulièrement apprécié, même si la quantité produite ne permet pas une exportation significative.

A une demi-heure de voiture du centre-ville, la vallée de la Willamette est le cœur de l'agriculture et de la viniculture. Une quarantaine de cépages différents poussent dans les deux cents vignobles de l'Oregon, dont le fameux Pinot noir. Mais aussi le Chardonnay et le Pinot blanc. Les viticulteurs -certains d'ailleurs misent aujourd'hui sur le bio- se font un plaisir d'offrir une dégustation au visiteur de passage. Parfois même accompagnée de fromages (certes pasteurisés, hélas) fabriqués sur place. Et pour l'anecdote, signalons Sakéone qui, comme son nom l'indique, est une distillerie de saké, la seule sur le continent nord-américain. Elle propose aussi des dégustations quotidiennes.

Plein air…
Les activités de plein air sont ici une seconde nature. Les week-ends et parfois en semaine, les Portlanders vont faire du rafting et du kayak à Clackamas River, pagayer à travers les marécages de Scappose bay, observer les oiseaux - dont le héron bleu - oiseau officiel de la ville- à Oaks Bottom Wildlife Refuge ou à Tualatin National Wildlife refuge, sans oublier les balades sur les entiers balisés entre forêts de conifères, ruisseaux et étangs. A Hood River, ce sont les véliplanchistes qui seront à la fête et sur le mont Hood, cinq stations de ski sont proposés aux skieurs.
Vers Sand Master Park, dans le parc naturel d'Oregon Dunes, on pourra s'essayer au sandboarding, le surf sur le sable qui, entre chutes et éclats de rire, permet assez vite de dévaler les dunes à vitesse raisonnable. Enfin, au Smith Rock State Park, non loin de Redmond, on peut effectuer de magnifiques treks ou entreprendre l'ascension de rochers haut de plusieurs centaines de mètres et jouer en quelque sorte à l'homme - araignée en progressant à petits pas sur le rocher à pic. Tout à fait spectaculaire !

La côte Ouest…
Sur près de 600 kilomètres, ponctués par onze phares, le paysage est changeant : luxuriantes forêts, échappées de dunes, falaises à pic, rochers spectaculaires en bord de rive, stations balnéaires parfois battus par les vents et qui se prêtent plus aux balades à pied ou à cheval qu'à la baignade. Au fil de la route, quelques arrêts spectaculaires.

A Cannon Beach, Haystack Rock, un énorme rocher en forme de meule de foin, est l'attraction du lieu. A Depoe Bay, lieu de tournage du célébrissime "Vol au-dessus d'un nid de coucou" de Milos Forman, les formations escarpées sont le sanctuaire des phoques et des otaries. L'océan se brise en impressionnantes gerbes d'eau.
A Florence, ce sont les plages, les dunes et les milliers de rhododendrons que l'on vient admirer. On peut parcourir les dunes, dont certaines atteignent 60 mètres, en jeep ou en moto tout-terrain. Enfin, un peu plus loin, le célèbre parc national Crater Lake. Né d'un volcan de 6000 ans, le lac de 600 mètres de profondeur occupe le fond du cratère. Ses eaux, d'un bleu intense, sont transparentes. Il est possible de voir jusqu'à 30 mètres de profondeur à l'œil nu. N'étant alimenté par aucun cours d'eau, le lac n'abrite aucune faune aquatique.

Cow boys et routards…
Au fil de la route, on peut croiser les forêts de célèbres pins de l'Oregon. Très grands, impassibles, comme distants, ils vous regardent de haut jusqu'au coup de vent qui les incite enfin à vous saluer !

Mais on peut aussi rencontrer des troupeaux de chevaux sauvages, les mustangs dans ces grands espaces spectaculaires qui signent l'identité profonde de l'Amérique. Et aussi, comme près de Sisters, bourgade un peu western au centre de l'Etat, des vrais cowboys, Stetson sur le chef et pieds à l'étrier. Celui-là ne se fera pas prier pour être pris en photo. Mieux, à la demande, il prendra et reprendra la pose. Etonnant...

Et, non loin de là, au milieu de nulle part, une mention spéciale au Korner Post, ce restaurant qui ne paie pas de mine. Même si les motos, sagement garées près de l'entrée, auraient dû nous mettre la puce à l'oreille. C'est un haut lieu de routards. On ne joue pas à "Easy rider", on le vit au quotidien.
A l'intérieur, partout des figurines de routards dans des vitrines, sur le comptoir, ainsi que toutes sortes de petites motos customisées. Au total, une ambiance très particulière, un rock un peu sirupeux pour la partie musicale, et dans les assiettes, de gigantesques doubles hamburgers recouverts de fromage cuit et d'oignons. Des parts gargantuesques qui seront englouties sans mal, accompagnées de Budweiser avant que le routard tatoué jusqu'au cou et sa routarde ne reprennent, bien calés sur leur moto, la route de l'Oregon…
Emmanuel Gabey
Deux hôtels et deux restaurants incontournables
A Portland, le Ace est un hôtel tendance, assez décalé, vintage, comme on dit qui a réussi à se donner un style à partir de matériaux de récupération, parfois de stocks militaires. La grande table du hall est une porte anti-feu, la table de nuit est en fait une pile de vieux livres reliés ou de valises usagées.

La baignoire est à pieds, comme dans le temps. Et les murs ornés de dessins originaux d'artistes locaux. Le tout donne une atmosphère auberge de jeunesse qui rencontre un grand succès. Dans le hall, à côté de vélos à louer, un vieux photomaton hors service donne une note d'humour. A l'endroit où l'on glisse la pièce, un petit écriteau indique que "le fait que vous ne puissiez pas faire de photos ne signifie pas que vous n'êtes pas magnifique !". Site web : www.clydecommon.com
Communiquant avec le Ace par un petit corridor, le Clyde Common, resto particulièrement branché propose une belle salle avec une grande cuisine ouverte où officient des cuistos aux cheveux longs, les bras largement tatoués. Ici, ce sont ceux qui ne sont pas tatoués qui étonnent (enfin presque). En salle, les serveuses peuvent être blondes et avoir la gorge généreuse. Quant à la nourriture, étonnante parfois, elle est excellente. Ils savent même faire griller les poissons. Qualité rare aux Etats-Unis ! Site web : www.clydecommon.com
Quant au tout récent The Nines, en plein centre ville est un hôtel-boutique unique dans son genre. Déco design, œuvres contemporaines décalées, salle de breakfast et de petites réceptions morcelées avec grande intelligence en petits espaces conviviaux et variés, cet hôtel de 331 chambres est la coqueluche de Portland.
Au dernier étage, le restaurant lounge "Departure" reste ouvert jusqu'au bout de la nuit. Outre d'excellent cocktails, il offre une vue panoramique sur toute la ville. La jeunesse locale en a fait son QG et il faut être patient - ou pistonné - pour obtenir une table vers minuit. Site web : www.thenines.com
Mention spéciale pour l'école de cuisine de Cannon Beach, EVOO, autrement dit Extra Virgin Olive Oil, où officient chaque soir devant un vaste piano un couple de chefs réputés : Bob Neroni, petit look à la Ducasse, et sa femme Lenore Emery.

De 19 h à 21 h, devant une trentaine de personnes installées pour diner, ils réalisent un véritable show culinaire où l'huile d'olive est en bonne place, et comprenant une entrée, un plat et un dessert que l'on déguste ravis. En cours de route, ponctués de fous-rires, Bob et Lenore communiquent leurs petites astuces à une assistance attentive. Le tout arrosé de vins du terroir. Site web : www.evoo.biz
Pour en savoir plus
Compagnie du Monde, 5, avenue de l'Opéra, 75001 Paris, tél. 0 892 234430. Site web : www.compagniesdumonde.com (Pas besoin de visa, sauf cas particulier).
Renseignements également auprès de l'Office de tourisme de l'Oregon en France, C/o Duxin Com, tél. + 33 (0)9 53 22 16 75. Site web : www.duxin.com
(Photos : EG).
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