De Cork aux îles Skelling, 600 marches pour tutoyer les cieux

le 14/06/2017

Moins connu que Dublin ou Belfast, cette région offre des petites villes charmantes, des paysages surprenants et contrastés et une ile du bout du monde, extraordinaire témoignage sur l’austère vie monastique. Découverte…



Par Emmanuel Gabey



Troisième ville d’Irlande, après Dublin et Belfast, Cork, « capitale » du sud se visite à pied. Notamment en suivant la rivière Lee. Elle séduit le visiteur par ses activités culturelles, sa très belle université qui abrite la remarquable Glucksman Gallery, son Cork Public Museum installé dans le plus beau parc de la ville et son ambiance chaleureuse : rues piétonnes, l’English market, fameux marché couvert , haut lieu de la gastronomie locale avec ses saumons étincelants, son bœuf pimenté et ses œufs beurrés…



Et, bien sûr, sers boutiques d’antiquités, ses librairies, épiceries et nombre de galeries d’art et de pubs, notamment dans Washington Street et Oliver Plunkett Street où la Guinness coule à flot, accompagnée du classique « fish and chips » et de « live music » dont les Irlandais ne se lassent pas…Sans oublier le Blackrock Castle Obsertvatory, centre d’observation spatial très ludique, à la pointe de la technologie, qui vous permettra de découvrir étoiles astéroïdes et galaxies, toutes plus intrigantes les unes des autres ou encore les mystères du système solaire.

En carriole et en bateau…



La découverte du Ring of Kerry ou anneau de Kerry, est tout naturellement l’étape suivante. Depuis Killarney, porte d’entrée du grand parc national de plus de 10.000 ha et classé réserve de la biosphère par l’Unesco, une très belle escapade - entre lacs et montagnes, tourbe et landes, chênaie et forêts d’ifs - permet depuis el Kate Kearney’s Cottage, au rythme lent de Chuck, notre cheval blanc tacheté de noir, de traverser en carriole découverte, sur des routes étroites et tortueuses, la vallée de Dunoe, parsemée de lacs et de paysages changeants et spectaculaires, dans une verdure qui rappelle qu’ici, le climat joue sans cesse les quatre saisons et que les bouquets fuchsia de rhododendrons poussent partout. L’itinéraire se termine lorsqu’on redescend dans la Black Valley, à Lord Brandon’s Cottage, où l’on peut déguster une bonne soupe locale et où nous attend une petite embarcation à moteur pour aller paresser sur trois petits lacs.

Chaplin, de Gaulle…



A l’ombre des plus hautes montagnes du pays – un peu plus de mille mètres-, les Mac Gillycuddy’s Reeks et du plus haut sommet de l’Irlande, le Carrantuohill, le « diamant » du Kerry offre d’autres belles étapes comme Waterville où une statue , tout près de la plage de galets, rappelle que Charlie Chaplin aimait à y passer un moment l’été, notamment en jouant au golf et pécher à la ligne et, pour les Français, le petit village de Sneem aux façades colorées, qui fut une étape de l’exil irlandais en 1969 du général de Gaulle et où, sur la place principale, une stèle indique « En ce moment grave de ma longue vie, j’ai trouvé ce que je cherchais : être en face de moi-même ». Et aussi, autre trace de l’Histoire, l’ile de Valentia, reliée par un pont au continent, où en 1866 - après trois tentatives infructueuses - le premier câble télégraphique sous-marin transatlantique y fut installé.

Deux rochers au cœur de l’Atlantique...



Mais le moment le plus intense et émouvant est, sans conteste, la découverte des Skellig Islands , ces iles du bout du monde. Il est 9 heures et le ciel dégagé, ce matin-là, lorsque le « Lady Clare », avec une douzaine de touristes - nombre maximum- quitte le petit port de Portmagee pour une bonne heure de navigation. Et soudain, à 16 km des côtes, alors que les dauphins jouent à plonger sous notre embarcation, deux rochers en grès de belle taille surgissent au milieu de nulle part dans le tumulte de cet immense océan Atlantique. Ce sont les deux iles Skellig.

La plus grande et la plus haute, baptisée Skellig Michael (probablement en référence à l’archange saint Michel), s’élève fièrement à 218 mètres au-dessus de flots. La seconde, un peu plus loin, plus petite, n’a jamais été habitée et abrite aujourd’hui des dizaines de milliers de couples de fous de Bassan mais aussi des mouettes et des goélands argentés et nombre d‘autres espèces qui sont regroupés à touche-touche sur l’impressionnant flanc du rocher, donnant l’impression qu’il a été peint en blanc. Mais on ne peut visiter Little Skellig car elle est classée réserve ornithologique. On se contente donc de voguer autour. Ce qui est déjà assez étonnant.

L’ile du bout du monde...



L’arrivée à Skellig Michael ne se fait pas sans une certaine émotion car on va à la rencontre de l’Histoire. Une fois le débarcadère franchi puis après une petite marche de deux ou trois cent mètres, on débouche sur le fameux escalier de six cent et quelques marches en pierre qui serpentent sur le rocher qui nous mèneront au sommet. Une vision particulièrement spectaculaire qui fait penser au célébrissime site péruvien du Machu Pichu…

Tout en faisant attention à ne pas glisser, marche après marche , dans un lent cheminement, on ne peut qu’avoir une pensée pour ces moines qui voici plus de 1400 ans, au VI ème siècle, ont décidé de construire sur ce site étonnant , au sommet d’une plate-forme à flanc de falaise, un humble monastère afin de pratiquer leur religion dans la solitude, le dénuement, l’hostilité de la nature et l’isolement le plus complet. Juste au-dessus des vagues parfois violentes, résistant aux invasions vikings et aux intempéries, des générations de moines ont ainsi construit pendant des siècles un escalier qui monte vers les cieux, chaque marche étant taillée à la main dans la masse rocheuse avec des outils rudimentaires.

600 marches pour tutoyer les cieux...



Le soleil est maintenant chaud et d’innombrables oiseaux volètent autour de nous, notamment des macareux moines, aussi appelés clowns de mer en raison de leur magnifique bec multicolore, mais aussi des pétrels tempête, des fulmars, des guillemots et des fous de Bassan qui, selon la chronique, étaient pour les moines source de viande, de plumes, d’œufs et servaient probablement de monnaie d’échange.

A mi-chemin, tout à coup, on découvre enfin une demi-douzaine de cellules - des huttes en pierre sèche voutées en encorbellement de 5 à 8 mètres de diamètre- ne disposant que d’une entrée. Et, un peu en contrebas, un petit cimetière monastique avec de simples pierres fichées verticalement dans le sol. Ainsi que deux oratoires, une grande croix et une chapelle. Plus loin, en haut des marches, sur un minuscule promontoire, à quelques mètres du sommet, sur un autre pic rocheux au-dessus des flots sera édifié un endroit pour les ermites taillé à même la roche. Et, à côté, deux citernes pour recueillir l’eau de pluie.

La vie quotidienne de ces hommes pieux qui avaient décidé de fuir la civilisation pour être au plus près de Dieu, de s’isoler pour se consacrer à la prière, affronter les épreuves physiques et les privations, devait être extraordinairement difficile. L’ilot sera finalement définitivement abandonné au cours du XII ème siècle. Skellig Michael, qui a servi de lieu de tournage à de nombreuses scènes spectaculaires de « Star War », a été classée en 1996 au patrimoine mondial de l‘humanité. Une reconnaissance méritée pour « la plus occidentale des forteresses du Christ dans l’ancien monde ». Et, tout simplement, un témoignage rare du pouvoir de la foi à la gloire de Dieu.


Pratique


Formalités : Carte d’identité.

Heure : Une heure en moins en Irlande

Climat : Changeant. Prévoir coupe-vent et lunettes de soleil. Température entre 10° et 15° environ

Electricité : prises électriques à 3 fiches plates (prévoir un adaptateur).

Avant de se rendre aux iles Skelling (accessibles de mai à septembre si le temps permet), il faut visiter le Skelling Expérience Visitor à Portmagee qui retrace bien l’histoire des deux rochers avec petits films et documentation (www.skellingexpérience.com). Et il faut impérativement réserver sa place sur le bateau à la Moorings Guesthouse, à Portmagee quelques jours avant le départ. (www/moorings.ie). C’est aussi un excellent petit hôtel et un restaurant.

Le fameux Wild Atlantic Way, la côte sauvage d’Irlande (route côtière balisée) longue de 2500 km démarre à Kinsale, à l’ouest de Cork et se poursuit jusqu’au Donegal , au nord-Ouest de l’ile,

Guides : Encyclopédie du voyage Gallimard, Lonely Planet, Guide du Routard ; Evasion (Hachette), Petit Futé, Guide Vert Michelin.

Pour en savoir plus :


Consulter le site web de l’Office de Tourisme Irlandais : www.irlande-tourisme.fr

Accès aérien : Aer Lingus propose des vols quotidiens entre Roissy /CDG1 et Cork. Site web : www.aerlingus.com

(Photos : E.Gabey).

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