SaveursVoyager gourmand

Pour Alain Passard, la cuisine est une belle histoire de famille. Aujourd’hui dans son restaurant parisien L’Arpège, il excelle dans une créativité poussée à l’extrême. Découverte…

C’est avec Louise Passard, sa grand-mère cuisinière, qu’Alain Passard s’initie au plaisir de la gastronomie. Ensemble, ils échangent des secrets culinaires autour du feu, lieu de prédilection de Louise Passard. Très vite, Alain a des envies créatives. Louise Passard ayant pris conscience de la passion qui habite son petit-fils, elle lui fait découvrir ce qu’est le plaisir de régaler, l’excitation du marché, la fièvre des préparatifs, tout ce qui fait d’un repas une cérémonie et surtout une fête. C’est chez le voisin de ses parents, le pâtissier de la Guerche, qu’Alain éprouve le désir de faire un stage à l’âge de 10 ans. Il y découvre le rythme et l’activité du laboratoire, des parfums envoûtants et y retrouve les mystères du feu.

Un parcours brillant…

Alain Passard fait ses débuts au “Lion d’Or” de Liffré, chez Michel Kéréver, un des rares “étoilés” bretons en son temps. Il y apprend la technique, la grande, la classique mais aussi le service des banquets et ses recherches comme le chaud-froid de volailles, les langoustes en Bellevue, les pièces montées, les poulardes demi-deuil… Il fait son entrée à “La Chaumière” chez Gaston Boyer, trois macarons au guide Michelin. Puis, il rencontre Alain Senderens à “L’Archestrate” où il règne une atmosphère exceptionnelle. Dans une petite cuisine, s’affaire l’équipe dirigée par Alain Senderens. Alain Passard a le sentiment de connaître le baptême du feu, ici, la relation avec la flamme est de tous les instants. L’inspiration surgit… Après trois ans passées dans cette effervescence, Alain Passard entame sa propre carrière. Au casino d’Enghien dans le restaurant “Le Duc d’Enghien”, où il obtient à 26 ans deux macarons au guide Michelin. Ensuite au “Carlton” de Bruxelles où il se voit décerner une puis deux étoiles au Michelin. Après, il ouvre son restaurant “L’Arpège”, anciennement l’Archestrate à l’angle des rues de Varenne et de Bourgogne. Il reçoit l’année du dixième anniversaire de son établissement, la plus élevée des récompenses, trois macarons au guide Michelin, il était alors le plus jeune deux macarons de France.

L’Arpège, tout un symbole…

Alain Passard s’installe donc il y a un peu plus de 20 ans dans l’ancien restaurant d’Alain Senderens, son maître, qu’il baptise “L’Arpège” en hommage à la musique, sa seconde passion. Il crée un décor très emprunt d’un style art déco qu’il affectionne particulièrement. Alain Passard travaille le décor du restaurant dans le même esprit que ses recherches culinaires. Il fait courir le long des murs une peau de poirier qui ondule au rythme de Bacchanales en cristal Lalique. Les fauteuils vêtus de cuir lisse, poursuivent l’idée du décor. Le ton est donné, une ligne raffinée et épurée. Jean-Christophe Plantrou, auteur de la peau de poirier travaille aux côtés du chef pour créer un mobilier d’ébène de macassar qui vient ponctuer l’espace. Les fenêtres, vagues de verre de Bernard Pictet, contrastées par la transparence d’une patine de Venise, s’amusent avec la lumière du jour. Une vaisselle de cristal transparente et de porcelaine blanche posée sur un nappage de lin blanc laisse chaque plat s’exprimer. Une note suscite notre intérêt, un seul tableau, le portrait de Louise Passard, la grand-mère d’Alain, à qui il rend hommage au fil des saisons.

L’empreinte du Chef…

La cuisine d’Alain Passard répond à des principes culinaires très élaborés, une cuisson juste, des parfums raffinés, une surprenante évidence dans la lecture des produits. Sa cuisine est facile à savourer avec une créativité poussée à l’extrême qui rejoint l’intemporel où se côtoient des saveurs inattendues. Le chef est viscéralement attaché à ses fourneaux depuis 30 ans. Tel un peintre impressionniste, il ne cesse à petites taches de chercher à rendre le meilleur du produit avec pour souci de le respecter. Il se fait l’interprète d’une saveur en privilégiant l’authenticité. Préservant sa couleur, son essence, ses teintes, son parfum de peau, le Chef restitue la pureté du produit. Alain Passard consacre son temps au rapprochement “Mer et Terre”. Retrouver dans un produit de la terre son miroir marin, c’est retrouver le caractère originel d’un produit dans un accord presque musical. Dans ce registre, Alain Passard joue particulièrement avec les fumets, les herbes et les épices. Ils libèrent avec brio cette expression “Terre et Mer”.

Les légumes mis en scène…

Alain Passard a aujourd’hui le sentiment d’explorer un registre méconnu : le légume. Sa curiosité assidue provoque chez lui un enthousiasme débordant, au delà des convenances : il suit ses inspirations et y voit un moyen d’approfondir son art. Il découvre dans les légumes une palette de saveurs extraordinaires dont on peut être rassasié. Il cherche à en faire des produits nobles, à mettre en valeur la finesse gustative qu’offrent les légumes et à rendre simple sa cuisine. Dans ce registre inépuisable, il invente des mariages de légumes, avec des herbes, des épices, des fleurs, des laitages, des coquillages… Alain Passard veut contribuer au développement d’une cuisine qui n’a jamais été exploitée : “Travailler le légume, c’est un encouragement à replanter la terre, travailler avec un langage nouveau, un vocabulaire neuf”.

Une certaine alchimie…

Etonnament, c’est l’art du feu qui l’amène à travailler les légumes. Le travail du feu est crucial pour leur cuisson. Le Chef y retrouve le plaisir de l’alchimiste : “Savoir faire voyager la sauteuse sur la flamme pour ne pas brusquer les tissus végétaux, travailler la flamme pour éviter l’évaporation des essences, se jouer d’elle pour ne pas atténuer les couleurs, la faire danser pour garder leur luminosité et leur transparence”. Tenter de préserver les essences d’oignons blancs cuits au beurre salé est une recherche passionnante pour Alain Passard. “Je pense être allé très loin dans le monde de la volaille et de la viande rouge, j’aspire aujourd’hui à une envie d’une autre exploration qu’est le légume” déclare volontiers le Chef.

Pleine terre, pleine mer…

Avec sa carte ” Pleine terre, pleine mer “, il nous entraîne dans un nouveau voyage : Nous retiendrons par exemple, le homard et son radis noir avec sa sauce miel et vinaigre de Xeres, le foie gras poêlé à merveille et sa tomate verte, le gratin d’oignon et son mesclun de salade, la Saint-Jacques accompagnée d’un risotto, le turbot, la volaille avec son choux rave et son oignon confit ; et côté dessert un délicieux millefeuille au pralin. Une autre originalité de la maison, la présence sur la table d’un pain au levain naturel, appelé la Paume que l’on doit à Alain Passard bien entendu. Le tout servi par une équipe jeune et stylée mais en toute décontraction. On a bien compris le concept culinaire d’Alain Passard, offrir une assiette appétissante et nourrissante aux couleurs flamboyantes, aux parfums envoûtants et aux saveurs inattendues. Qui s’en plaindra ?

Pour en savoir plus :

Restaurant L’Arpège 84, rue de Varenne, 75007 Paris, tél. +33 (0)1 47 05 09 06. Site web : www.alain-passard.com

D.Krauskopf- E.Scotto (Photos L’Arpège)

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