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L’Archipel des Marquises, un paradis perdu

Presque sorti d’un monde imaginaire au milieu du Pacifique, l’archipel des Marquises, sauvage et mélancolique, avait conquis le coeur de Jacques Brel. Découverte…

Archipel isolé géographiquement – le plus éloigné des continents – avec de hauts et rudes reliefs tourmentés, l’archipel des Marquises situé à 1500 km au nord-est de Tahiti s’étend sur 12 îles dont 6 sont habitées. Ici s’affiche une nature préservée et spectaculaire qui ont séduits Melville, Stevenson, Gauguin et Brel. D’origine volcanique, les Marquises datent de 1 à 6 millions d’années. Les sommets des îles -point culminant mont Temetui 1276 m sur l’île Hiva Oa- forment des lignes de crêtes souvent ponctuées de pitons spectaculaires. On distingue peu de plateaux et de rares plaines littorales. Les côtes sont essentiellement constituées de falaises abruptes soulignées de plages de sable noir. Des manguiers bordent les chemins où flânent des chèvres, chevaux et sangliers. Ces paysages majestueux semblent être des forteresses inaccessibles.

Berceau de la Polynésie…

Berceau de la culture polynésienne, l’archipel des Marquises – “Fenua Enata” ou “Terre des hommes”- est un sanctuaire des traditions maori. En effet, les ancêtres des grands navigateurs maoris venus du Sud-Ouest asiatique à bord de vakas, pirogues à balancier, s’y sont installés il y a plus de deux mille ans. “C’est à partir des Marquises qu’ils auraient peuplé le triangle maori d’Hawaii à l’île de Pâques” nous confie Marie-Noëlle Ottino-Garanger, ethnologue. Cette culture ancestrale a toutefois bien failli disparaître. La population estimée par Cook à plus de 80 000 âmes au 18e siècle tomba à 2 200 en 1925. En effet, elle fut décimée par des maladies importées par des marins et déculturée par des missionnaires. Conquis par les armes, l’archipel des Marquises, soumis par la France en 1842 a connu la hache des forestiers et le massacre des baleines. Ces faits sont mentionnés dans l’ouvrage “Dans les mers du Sud” de Robert-Louis Stevenson après son passage en 1888. A la fin des années 70, on assiste à une réelle renaissance culturelle. Les marquisiens se réapproprient leurs chants, danses, sculptures, artisanat et tatouages.

 

Des traditions bien vivantes…

Sur l’archipel, on distingue au nord Nuku Hiva, Ua Huka et Ua Pou et au sud Hiva Oa, Fatu Hiva et Tahuata. Avec ses très belles baies préservées, les Marquises incarnent le royaume du tourisme vert. Pour la petite histoire en polynésien, Hiva Oa signifie “la poutre” et Nuku Hiva veut dire “la charpente”. La terre des îles produit une savoureuse variété de fruits et de légumes tropicaux. Les traditions culinaires ont donné naissance à des recettes particulières, comme le ragoût de chèvre au lait de coco, le poisson cru des Marquises, le cochon de lait cuit à l’étouffée… on y trouve des crabes, langoustes et poissons. On sert souvent le poisson cru mariné dans le jus de citron et arrosé de lait de coco. Toutes les trois semaines, un cargo mixte, l’Aranui apporte dans les îles plusieurs de tonnes de fret (nourriture, matériaux…) afin d’amélioer le quotidien.

Les tatoueurs de Nuku Hiva, particulièrement réputés, élaborent des motifs géométriques rappelant les traditions de la Polynésie ancienne. Les tikis, (des sculptures en pierre ou en bois) représentent les anciens dieux de la Polynésie. On les découvre auprès des plates-formes sacrées qui accueillaient les cérémonies rituelles. Pendant les célébrations, l’esprit des dieux descendait sur les tikis et pour les rendre magiques. La croyance en ces traditions n’a pas entièrement disparue.

Les habitants des Marquises sont donc très attachés à leur patrimoine et à leurs traditions. Grâce à l’association de Motu Haka est né le célèbre Festival des Marquises qui se déroule tous les quatre ans. L’archipel des Marquises réserve également d’incroyables rencontres aux amateurs de plongée avec notamment les dauphins d’Electre, les requins marteaux et les raies pastenagues. Il est conseillé de réaliser des sorties en mer à la journée, un bon moyen de contempler les somptueux rivages. Place au contraste entre le vert étincelant des collines et le bleu profond de l’océan Pacifique.

Nuku  Hiva, le grandiose spectacle de la nature…

Entre vallées et plateaux, Nuku Hiva présente de splendides paysages. Tout au long de la route reliant l’aéroport au village principal de Taiohae (la “capitale” des Marquises avec 1700 âmes) on admire des pins, des crêtes, un canyon et des vallées. A son arrivée, le visiteur gagne l’un des hôtels ou pensions étagés sur les collines. On ne peut pas résister afin de s’immerger dans l’atmosphère du “pays”, à faire un détour par le petit port où les pêcheurs locaux débarquent quelques thons, par la cathédrale de Taiohae qui abrite en sa nef centrale une étonnante collection de sculptures marquisiennes. Puis vers la baie Colette se love une petite anse inhabitée située par-delà le contrefort ouest de la baie de Taiohae.

Le cœur de Nuku Hiva (330 km2) recèle de nombreux tikis et de plates-formes sacrées de Paeke, Hikokua et Kamuihei. Le meilleur moyen pour les approcher, c’est par la randonnée ou prenant le volant d’un 4X4 (les routes sont pour la plupart des chemins peu carrossables) ou encore à cheval. Prenez donc la direction d’Hatiheu située la côte nord, la route est de toute beauté et les points de vue sont saisissants (panoramas sur des cascades, végétation luxuriante). A votre arrivée dans le village du nord-est de l’île, adossé à une paroi montagneuse, on est subjugué par le spectacle qu’offre la nature sur des pics basaltiques burinés par l’érosion. Dans Hatiheu, on ne manque pas l’église en bois et pierre avec ses deux clochetons symétriques rouges et le front de mer planté de cocotiers et bordé d’une plage de sable noir. En repartant vers Taiohae, une halte s’impose sur les sites archéologiques Kamuihei, Tahakia et Teliipoka. Au retour de votre périple, passez donc par le charmant hameau de Hoomi et la baie du Contrôleur où mouillent des voiliers de plaisance souvent venus de très loin.

Hiva Oa perpétue la mémoire de Gauguin et Brel…

Afin de ne rien manquer du caractère des îles, lors de votre séjour rejoignez ensuite Hiva Oa surnommée le “jardin des Marquises”. L’île entretient avec fierté le souvenir de Paul Gauguin et de Jacques Brel. Le peintre et le chanteur reposent dans le cimetière du Calvaire, sur les hauteurs du village principal d’Atuona. Le frangipanier voisin dépose chaque jour un tapis de fleurs blanches sur leur sépulture. Au centre du village, on trouve le centre culturel Paul Gauguin et l’espace Brel. Rappelons-nous que Paul Gauguin, inspiré par les écrits de Pierre Loti, arrive à Tahiti en 1891 missionné par le gouvernement français. Son objectif est de tenter d’accorder son cheminement intérieur et son œuvre : “là je pourrai, au silence des belles nuits tropicales, écouter la douce musique murmurant les mouvements de mon cœur”.

Gauguin personnage singulier, marginal qui confond réalité et littérature, mythe et histoire et qui fuit ses semblables pour mieux retrouver les sources de l’art primitif et du sacré parmi les maohis s’installe en 1901 à Atuona. Il lance : “ici la poésie se dégage toute seule, il suffit de se laisser aller au rêve en peignant pour la suggérer”. Il fait construire la Maison du Jouir (aujourd’hui reconstruite) avant de s’éteindre en 1903. Jean Saucourt, un passionné, originaire de métropole et arrivé… il y a presque 50 ans déclare “je milite pour la mémoire du peintre et j’aimerais que le musée local puisse présenter de réels objets ayant appartenus à Gauguin car ici nous n’avons aucune oeuvre, toutes sont parties bien loin…”.

Plus tard, une autre célébrité débarque aux Marquises. En novembre 1975, Jacques Brel arrive à bord de son voilier l’Askoy au terme d’une traversée de l’Atlantique puis du Pacifique. Il est séduit par la beauté sauvage, la végétation luxuriante de l’île d’Hiva Oa… et personne ne lui demande d’autographe. Il conquiert le coeur de la population locale. En pilote émerite, Jacques Brel transporte un enfant chez sa grand-mère avec son fameux bimoteur Jojo. Il compose son dernier album “Gémir n’est pas de mise aux Marquises”. Sa chanson L’air des “Marquises”, Brel l’avait écrite en 1977, un an avant sa mort.

Au-delà de cet aspect, il est nécessaire de pénétrer dans la forêt tropicale, à la rencontre des pétroglyphes. Au détour d’une clairière se dévoile, une antique statue géante. Le visiteur se dirige vers les sites naturels d’Hiva Oa, comme la vallée de Puamau et son site archéologique abritant les plus impressionnants tikis de Polynésie taillés dans du keetu – un tuf volcanique rouge. La statue de Takaii représente un chef guerrier de plus de 2,50 m de haut. Elle conduit aux tikis et aux plateformes sacrées d’Ilipona. Un autre site archéologique Upeke est incontournable. On le rejoint en longeant la côte. Les randonnées à pied ou à cheval restent le meilleur moyen pour accéder à des lieux de culte anciens dans les forêts denses des vallées et des montagnes reculées. A Nuku Hiva et à Hiva Oa les côtes semblent jaillir des profondeurs de l’océan et s’élancent vers les nuages en d’innombrables aiguilles de basaltes pour le plus grand bonheur des yeux. Comme disait Jacques Brel “le temps s’immobilise aux Marquises.

Pierre Ottino, l’infatigable archéologue des Marquises…

En quelques siècles, il s’est produit sur l’archipel des Marquises une véritable catastrophe démographique. Au 16e siècle, on estime qu’il y avait environ 100 000 Marquisiens. Cependant, en débarquant les européens ont apporté des maladies et des armes. Résultat : au début du 20e siècle les Marquisiens n’étaient plus que 2000. Des pans entiers de la culture marquisienne ont été perdus ou enfouis. Un homme, Pierre Ottino, né au Sahara, (qui a grandi en Papouasie-Nouvelle-Guinée et à Madagascar) est venu une première fois aux Marquises afin d’y effectuer son service civil en tant qu’étudiant en archéologie. Puis, comme aimanté par ces îles, l’archéologue devenu chercheur à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) revient avec son épouse Marie-Noëlle. Il accomplit son travail d’archéologue, met au jour et reconstitue les vestiges d’une culture ancienne notamment sur l’île du Nuku Hiva. Pierre Ottino a restauré d’anciens sites grâce à l’aide des marquisiens et au soutien de personnalités locales comme Yvonne Katupa à Hatiheu. Pierre Ottino a publié plus de cinquante articles scientifiques sur ses recherches aux Marquises dont “Archéologie chez les Taipi”* un ouvrage qui reste très apprécié par les amateurs de culture polynésienne. On peut admirer un partie du travail de Pierre Ottino au sein de la Salle patrimoniale du village de Hatiheu et surtout le site d’un ancien lieu de festivités et de sacrifices humains peuplé de sculptures anciennes perdu au coeur d’un entrelac de purao et de tou, banians géants et cocotiers. 

Quelques repères :

Capitale :  Taiohae (Nuku Hiva) la plus importante des villes des Marquises, – Décalage horaire : Lorsqu’il est midi en France, il est minuit trente aux Marquises en été (1h30 du matin lors de notre hiver). Villes principales : Taiohae (Nuku Hiva), Atuona (Hiva Oa) et Hakahau (Ua Pou). Nombre d’habitants : 8 700 habitants. Climat : chaud toute l’année. Les températures s’élèvent en moyenne à 27°C. On distingue deux saisons : une saison chaude et très humide durant l’été austral de novembre à avril, la saison “fraîche” et plus sèche durant l’hiver austral de mai à octobre. Formalités : passeport obligatoire pour les ressortissants de l’Union Européenne. Pour le transit par les Etats-Unis, passeport valide pour l’entrée sur le territoire américain. Conseil : n’oubliez pas votre crème anti-moustiques. Guide : l’excellent guide de voyage Lonely Planet Polynésie rédigé par JB Carillet.

Notre adresse : La pension Temetiu située sur l’île d’Hiva Oa à proximité du village d’Atuona, en amont d’une colline qui donne sur la baie de Tahauka. La pension abrite 7 bungalows typiquement marquisiens au sein d’un jardin exotique ainsi qu’un restaurant. De nombreuses escapades sont possibles au départ de l’établissement. Une adresse sympathique. Site web : www.temetiuvillage.com

Pour en savoir plus : 

Accès aérien : vols Air France, Paris – Papeete (site web : www.aifrance.fr) puis emprunter un vol Air Tahiti (durée 3h) pour rejoindre Nuku Hiva.
Renseignements touristiques : consulter l’office de tourisme de Tahiti. Site web : www.tahiti-tourisme.fr

(Photos : D.Krauskopf – E.Scotto).

 

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