Au cœur d’une forêt de l’Yonne, à Guédelon, voici vingt ans que sur une idée de Michel Guyot, un château-fort est édifié à l’aide de ressources locales et de techniques médiévales. Une démarche unique au monde. Découverte…
Un jour de 1996, Michel Guyot a l’idée un peu folle de construire un château fort – un vrai de vrai- à proximité de son château de Saint-Fargeau ! Nous sommes ici entre Yonne et Loire, au sein d’une petite région bocagère, vallonnée et marécageuse, « sombre et illuminée d’étangs » comme disait Colette, où se mêlent forêts de chênes, maisons paysannes et châteaux bâtis en pierre locale.
Un château philippien…
Michel Guyot, l’initiateur, s’entoure rapidement d’un comité scientifique composé d’historiens, d’archéologues et d’architectes. Ils décident de bâtir un château du 12e-13e siècle, à l’image de ceux que Philippe Auguste « le roi bâtisseur » avait fait construire tout autour du royaume de France pour bloquer la conquête anglaise entamée depuis le divorce d’Aliénor d’Aquitaine d’avec Louis VII, père de Philippe Auguste, et son remariage avec Henri Plantagenêt, roi d’Angleterre. Les plans ont été établis par Jacques Moulin, architecte en chef des Monuments historiques. Maryline Martin, cofondatrice et directrice de Guédelon précise : « nous construisons un château philippien de plan quadrangulaire, doté de quatre tours, dont la tour maîtresse, la tour de la chapelle et deux petites tours d’angle ».
Le choix du site…
Le château de Guédelon se trouve précisément sur la commune de Treigny… il s’inspire de ceux de Falaise, Dourdan, Gisors, ou encore de Ratilly, Toucy et Druyes-les-Belles-Fontaines. Le choix l’emplacement ne fut pas un hasard… Sur place se trouvent la pierre, le grès rouge et, à quelques kilomètres, le calcaire blanc (qui permet de faire les encadrements de fenêtres en bichromie), du sable, de la glaise (pour fabriquer tuiles et carreaux de pavement), l’ocre, le chêne (pour les charpentes), le charme et le bouleau (pour les feux nécessaires aux cuissons), et enfin l’eau. Les constructeurs de Guédelon ont déjà réalisé une grande partie des murailles qui mesurent entre 39 m et 53 m de long et atteignent une épaisseur de 2,10 m. À l’intérieur, on trouve un logis seigneurial doté de fenêtres à meneaux, d’une charpente en coque de bateau renversée et d’un toit de tuiles mais aussi la chapelle, le puits et le châtelet d’entrée où débouche le pont dormant enjambant le fossé défensif.
Chaque jour, sous vos yeux…
A Guédelon, on utilise toutes les techniques médiévales : murs en torchis, assemblage de moellons, fabrication de tuiles de terre ou de bois, tressage des cordes de lin… Michel Guyot est parvenu à entraîner une équipe de maçons, de charpentiers, de ferronniers. Guédelon, c’est aujourd’hui une entreprise pas tout à fait comme les autres qui mobilise 70 constructeurs à plein temps, soutenus par environ 650 volontaires chaque année. Lors des visites organisées, à l’instar de notre guide Hein Koenen – venu tout droit des Pays-Bas- il plante le décor et incite les visiteurs à dialoguer avec les artisans, formés pour être des médiateurs de leur savoir-faire. Il précise « Guédelon, montre à tous un château fort, un château neuf, en pleine construction qui utilise les techniques, outils et engins de levage d’il y a sept siècles » et ajoute : « la démarche se veut la plus authentique possible, sans utilisation d’électricité, de moteurs à combustion, de grues… »
Le village des artisans…
Tours, bâtiments, donjons, murailles sont sortis de terre après 20 ans d’un travail minutieux. Pas étonnant, le chantier est une véritable ruche. Ici, on connaît l’interaction et la solidarité entre les différents corps de métiers. Sans carrier ni forgeron, pas de tailleur ni de maçon… Notre visite est ponctuée par le bruit des coups de marteaux, le grincement de la cage à écureuil mue par un homme, ou encore le hennissement de Charlotte, la jument percheronne tirant fardier et autre tombereau… Il est important d’observer la progression du château, mais également d’aller à la rencontre des constructeurs de Guédelon. Au-delà du fossé, Thierry, l’un des forgerons, martèle le fer rougeoyant pour fabriquer des clous ; à deux pas Jean-Michel, l’un des charpentiers, équarrit une grume de chêne. Un peu plus loin, dans une petite longère à mur en torchis, Valérie fabrique des pigments colorés… Joseph tresse des cordages à partir de fibres de lin. Tout ceci dans une ambiance bon enfant, au milieu d’une foule de visiteurs – environ 3000 personnes chaque jour en été !
Des visiteurs bienvenus et même indispensables car le chantier est financé par leurs entrées. – Des visiteurs aussi passionnés par le chantier et admiratifs. « Cela fait trois ou quatre fois que nous visitons Guédelon », expliquent Jacques et Nicole, deux retraités venus de Rennes et indiquent « Ce qui nous intéresse ici, c’est de voir un château fort sortir de terre, que l’on peut toucher… on le voit prendre forme, il est de plus en plus imposant et beau ». Alors, vous aussi entrez donc dans la vie quotidienne au temps du Moyen Âge !
Pratique : Le chantier se situe dans l’Yonne, au nord-ouest de la région Bourgogne, sur la route départementale 955, entre les villages de Saint-Sauveur-en-Puisaye et de Saint-Amand-en-Puisaye.
Pour en savoir plus :
Château de Guédelon, Route départementale 955- 89520 Treigny, tél. + 33 (0)3 86 45 66 66. Site web : www.guedelon.fr
(Photos : E.Scotto et Guédelon Ph. Denis Gliksman).