Angoulême, du papier à cigarette à la BD

le 14/02/2022

La capitale charentaise renommée pour son festival de la BD a un riche passé de cité industrielle papetière, aujourd’hui mis en valeur à travers des musées, des écoles, des moulins à papier. Découverte…



Par Martine Delaloye


Angoulême, ville blanche...


Perchée sur son promontoire enserré de remparts, la ville de pierre blanche, domine la Charente. Le lacis de ses rues pavées sillonne la cité classée « ville d’Art et d’Histoire » entre l’Hôtel de ville et les tours médiévales héritées de l‘ancien château des Comtes d’Angoulême, la cathédrale Saint-Pierre, joyau de l’art roman.



En contrebas, un autre monde s’est emparé des rives de la Charente. L’univers des Boule et Bill, Blake et Mortimer, Titeuf. Au détour d’une passerelle Corto Maltese se dresse face au Musée de la BD. Sur l’autre rive, la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image a investi une belle structure contemporaine. C’est le quartier de la création, de l’innovation, des dessinateurs, auteurs de BD, studios d’animations 3D, école de l’image… Ce qui vaut à la ville, la reconnaissance par l’UNESCO de « Ville créative ». Cette année, le Festival de la BD aura lieu du 17 au 20 mars 2022.


Un tradition papetière née au XVIe siècle...


Dans l’angoumois, une région parcourue d’une multitude de petits cours d’une eau de grande pureté et productrice de chanvre, l’industrie du papier a trouvé au XVIe siècle, le lieu idéal pour s’implanter. Le premier moulin à papier connu daterait de 1516.



Pour en savoir plus, direction le Moulin du Verger de Puymoyen

C’est par une petite route qui prend son temps en pleine nature, à quelques kilomètres seulement d’Angoulême, dans la Vallée des Eaux-Claires, qu’une bâtisse dont on sent qu’elle a du vécu, abrite le plus vieux moulin à papier de la région. Inscrit à l’inventaire des monuments historiques au titre de l’architecture industrielle du XVIIe siècle, le Moulin du Verger qui a passé ses 450 ans d’âge, est toujours en activité, sous la houlette savante de Jacques Brejoux, Maître papetier.



Le personnage est pittoresque. Une allure d’artiste désabusé, le verbe haut, il fait passer sa passion à son auditoire. Parler du papier, de son histoire, de sa fabrication, l’anime d’un engouement communicatif.

Les hauts et les bas de l’industrie du papier

Il nous apprend comment ce fleuron de l’économie locale florissante jusqu’à la fin du XVIIe siècle, grâce au papier exporté en Hollande, Grande Bretagne et Russie, en particulier, le « Vergé des Charentes » a connu un ralentissement au XVIIIe siècle -manque de matières premières, de tissus raffinés, soie, lin, les vêtements sont alors le plus souvent en coton- avant que la révolution industrielle ne relance la fabrication. C’est l’heure de gloire des grands noms de l’industrie papetière. Laroche-Joubert et le Vélin d’Angoulême, Le papier à cigarettes de Léonide Lacroix, le Nil de Joseph Bardou. Dans les années 1970, les entreprises ferment les unes après les autres, faute d’investissements et de mesures de développement.



En 1972, quand il reprend le Moulin du Vergé, Jacques Brejoux, n’envisage pas de travailler autrement que de façon ancestrale, à la manière du XVIIIe siècle, en utilisant les matières de l’époque, les tissus de chanvre, de lin, les plus côtés, ou encore les cotons qu’il collecte. Les vieux draps de nos aïeux font merveille.



A l’arrivée, le clapotis de l’eau et un bruit sourd et régulier éveille la curiosité. Nous suivons le maître dans son antre, où l’on pénètre par une petite porte voutée, une cave humide où fonctionnent d’impressionnantes machines de bois. De lourds maillets broient les tissus, des roues les brassent dans l’eau. Le principe consiste à séparer et à récupérer les fibres. Celles-ci sont ensuite passées sur un tamis où apparaît la forme d’une feuille. Débarrassée de ses imperfections, elle est alors séchée.



La visite se prolonge dans les greniers - les séchoirs – où les feuilles sont suspendues comme du linge en train de sécher. La fabrication artisanale, presque rudimentaire peut surprendre mais les papiers fabriqués par jacques Brejou, respecté pour la grande qualité de son travail, sont utilisés dans le luxe ou par des artistes de renom. Les archives nationales et le musée du Louvre font également appel à lui. En 2021, le Moulin du Verger a été choisi pour toucher les 110 000 € du loto du Patrimoine, une aubaine pour la conservation du lieu. Adresse : Le Moulin du Verger 16 400 Puymoyen, tél. + 33 (0)5 54 61 10 38. Visite env. 2 h : 60 € par groupe jusqu’à 12 personnes. Site web : www.moulinduverger.com



Le Logis de Forge, un ancien moulin à papier dans un jardin remarquable...


L’histoire de ce moulin est avant tout une histoire de familles au pluriel. A une dizaine de kilomètres d’Angoulême, à Mouthiers-sur-Boëme, le Logis de Forge s’est établit autour d’une résurgence, une eau jaillissante au cœur d’un étang, formant un halo surprenant de 7 m de diamètre. Il règne dans cet univers de verdure enchanteur, un calme que seul le clapotis des eaux vient troubler. Le lieu est tout simplement paradisiaque, hors du temps. On ne sait si c’est le jardin qui met en valeur la pierre ou si c’est cet ensemble de belles bâtisses qui ne saurait s’accommoder du laisser-aller de la nature.



On ne peut dissocier Forge de son passé historique et industrieux. Du XIVe siècle au XVIIIe siècle, Forge a été moulin à fer - d’où son nom- moulin à blé et à huile de noix, une production alors importante dans la région. En 1781, l’industrie du papier battant son plein, Bernard Sazenac rachète le domaine pour en faire un moulin à papier. Il entreprend d’importants travaux de rénovations assurant la notoriété de l’entreprise et la reconnaissance sociale de la famille. De nouveaux bâtiments sont construits pour loger les ouvriers ainsi que de beaux « étendoirs » à papier, en pierre de taille que l’on peut voir aujourd’hui. Le Moulin de Forge ne produit alors qu’un papier de grande qualité, souvent filigrané. Ce n’est qu’à partir de 1880 et jusqu’en 1932, que sera produit le carton.



Le domaine de la famille Sazenac de Forge devient la propriété des Beaucé

Lorsqu’en 1971, Ghislain de Beaucé et son épouse héritent du Moulin de Forge, ils ont à cœur la restauration et la préservation de l’ensemble des bâtiments dans un domaine ceint par une colline boisée, où l’eau est source de vie et de beauté. Depuis, 25 ans la famille œuvre à valoriser les lieux, en particulier à travers les immenses et idylliques jardins. Paloma de Montleau, la fille des propriétaires s’est fixée pour mission de retracer l’histoire du Moulin de Forge. Mieux que personne, elle en parle avec passion et fierté.



Les jardins entre jeux d’eaux et jeux de lumières, perspectives et miroirs

Le jardin s’étend entre parties boisées où s’écoule la Boëme, espace de prairie et pièces d’eau, - canal, bassins, étangs, petits ponts – au pied des belles pierres de taille du Hameau, du château. Les propriétaires puisent leur inspiration dans leurs nombreux séjours à l’étranger. Ici, c’est l’Italie, un canal bordé de cyprès, de sculptures, de pots en terre de sienne. Là, un jardin japonais. La belle façade du château en toile de fond d’un étang où s’étalent les nénuphars en fleurs, où glissent les cygnes crée un décor romantique à souhait. Entre nature sauvageonne et élégance maîtrisée, les Jardins de Forge, écrin exceptionnel où le minéral, le végétal et l’eau jouent une symphonie fantastique, sont classés Jardins Remarquables depuis 2004. Site web : www.jardinsdulogisdeforge.com



Le Musée du papier

Dans cette région où l’industrie du papier a joué un si grand rôle, l’installation de ce musée en 1988 sur le site d’une ancienne abbaye transformée en papeterie dans laquelle Joseph Bardou produisait le fameux papier à cigarette, Le Nil, était une évidence. Située en contrebas de la ville haute embourgeoisée d’Angoulême, cette zone de friches longeant la Charente est désormais revalorisée. C’est même devenu un pôle d’attractivité artistique avec le musée de la BD, le musée du papier, la Cité internationale de la Bande Dessinée.

L’eau, celle de la Charente, brassée par une lourde roue à aube, se rend omniprésente et assourdissante et rappelle au visiteur combien elle est indispensable à la fabrication du papier. Le ton est donné. Nous sommes dans un univers de pierres brutes vestiges des anciens bâtiments, de passerelles métalliques, où suivre le riche passé angoumoisin, l’histoire à travers les siècles, la multitude de sites de production dans la région, à travers des documents, des images, des photos, d’antiques machines… Plus ludiques, les étiquettes des boîtes de fromage qui suivent l’évolution du graphisme. A l’étage, affiches d’artistes, papier à cigarette, boîtes en carton, expositions temporaires, ateliers pour les enfants ou pour les grands, ou encore des journées festives à thème donnent vie au musée. Sites web : www.maam.angouleme.fr et www.angouleme-tourisme.com


Notre carnet d’adresses :




Le domaine du Chatelard, hôtel-restaurant à Dirac, à proximité d’Angoulême



Niché au cœur de 80 ha de bois et prairies, l’hôtel a investi une maison de maître du 18e siècle, surplombant un lac privé. Les chambres, onze au total, sont toutes aménagées au gré des trouvailles du couple Ivan et Pascale. Ivan, chef cuisinier et propriétaire des lieux, d’origine danoise a fait son apprentissage de cuisinier à Fribourg en Suisse. Puis il s’est adonné à son art dans des maisons aussi réputées que celle du « Gstaad Palace » à Gstaad, du « Kempiski Grand Hôtel des Bains » à St Moritz… Sa cuisine fleure bon les produits locaux et ses cueillettes en sous-bois. Avec sa compagne Pascale, il a trouvé dans ce beau domaine le lieu idéal pour donner libre cours à sa créativité et à son désir de liberté, d’authenticité et de bien-vivre au cœur de la nature. Le domaine qui est aussi celui des chevaux, accueille volontiers les animaux de compagnie. Au cœur du village de Dirac à 2 km du domaine, le bistrot le Chat-Bourg propose une carte plus simple. Site web : www.domaineduchatelard.com


Restaurant Les sources de Fontbelle - Une étoile au Michelin



A 10 mn d’Angoulême, le nouveau restaurant du chef Guillaume Veyssière surplombe la vallée des Eaux Claires. Dans un coffrage ultra contemporain et élégant de pierre, chêne et structure métallique, La Forêt des Sources, propose une cuisine bistronomique dans un cadre simple et agréable. La belle salle des Sources de Fontbelle, table gastronomique, baignée de lumière semble sertie dans un écrin de la nature. La cuisine de ce chef étoilé, Guillaume Veyssière, relève autant de sa créativité audacieuse que de son respect de la saisonnalité des produits et des circuits courts qu’il privilégie. Les cerfs des Eaux Claires, le veau de Chalais, les escargots, ou le lard de porc, mûri au genièvre dans une cave en marbre enrichissent la carte. En contrebas, nichées au milieu des sources et des bois, 5 chambres d’hôtes élégantes et confortables offrent un havre de bien-être immergé dans la nature. Site web : www.sourcesdefontbelle

Y aller : En train Paris-Montparnasse/Angoulême en 2 h 15. Site web : www.sncf.com

Pour en savoir plus :


Consulter le site web de l'Office de tourisme d'Angoulême : www.angoulême-tourisme.com

(Photos : Martine Delaloye et OT Angoulême).


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