La Castilla-La-Mancha, le pays de Don Quichotte et des moulins à vent

le 22/09/2021



Cette région située au cœur de l’Espagne où la Renaissance a essaimé ses plus beaux monuments, est aussi une terre de vastes cultures, de vignobles et de grandes chasses. Don Quichotte de la Mancha, le chevalier errant, héros de Miguel de Cervantes l’a parcourue en compagnie de son écuyer Sancho Panza. Découverte…



Par Martine Delaloye

En situant l’histoire de Don Quichotte dans la Castille-la-Mancha, Cervantes en fait le meilleur ambassadeur de ce territoire aux paysages variés, ponctués de villages tranquilles et authentiques, de villes historiques et monumentales où les moulins à vents battent de l’aile. Suivre le périple de cet hidalgo, gentilhomme de la noblesse dans son équipée onirique ouvre les portes d’une contrée aussi riche que fascinante. L’histoire que nous conte Cervantes est un véritable document qui nous entraîne dans l’Espagne du XVIIe siècle à l’époque de Philippe II.



Une région très convoitée au cours des siècles…


Les romains, les wisigoths s’y sont succédés jusqu’à la conquête par les Arabes de la région longtemps disputée aux chrétiens. Sous le règne des Taïfas, royaumes musulmans, la culture et l’art connaissent un fabuleux essor. Au Moyen-Age, les chrétiens reprennent les territoires occupés par les musulmans, c’est La Reconquête. Depuis 1982, Castilla-la-Mancha est une région autonome composée de cinq provinces – Albacete, Ciudad Real, Cuenca, Guadalajara et Tolède.



En route pour Almagro dans la province Ciudad Real…


Après la visite de Tolède, la ville monumentale historique, suivons notre héros dans la province de Ciudad Real, où Almodovar est né et qui l’a inspirée dans ses films. Au passage une petite halte s’impose dans le village de Puerto Lapice situé sur l’ancienne route royale où Cervantes s’est arrêté et a écrit le chapitre 2 de son histoire. Ici, Don Quichotte se fait armer chevalier dans une auberge qu’il prend pour un château. Pas étonnant qu’il fasse étape dans ce village situé entre deux montagnes où durant des siècles les auberges ont accueilli les voyageurs de passage. En effigie, sculpture, peint sur les murs, il hante les lieux sans troubler la vie tranquille de ses habitants sur les marchés ou attablés aux terrasses.



Almagro, la ville des monastères et du Festival international de théâtre classique…


Située à 150 km de Tolède, Almagro dont le nom vient de l’oxyde de fer qui donne à la terre cette couleur rouge, comptait au XVIIe siècle un grand nombre de monastères, de palais, d’églises. Aujourd’hui ces beaux édifices lui valent d’être classée « site historique ».



L’histoire de la ville est liée à celle de l’Ordre de Calatrava, le premier ordre militaire espagnole installé à Almagro au XIIe siècle. Après le déclin de leur puissance, les banquiers de Charles Quint, comme les Fugger et les Welser contribuèrent au développement d’Almagro. L’Almacen de Los Fucares, entrepôt de la famille Fugger, banquiers et hommes d’affaires allemands, précurseurs du capitalisme, est un bel exemple de l’architecture du XVIe siècle.



Almagro, une ville qui aime le théâtre depuis le XVIIe siècle

La Plaza Mayor, la Grand Place, impressionnante dans sa symétrie parfaite est entourée de terrasses animées, de petites boutiques d’artisanat et de petits commerces de tous les jours et surtout de la « Corral de Comedias », un bijou de théâtre construit au XVIIe siècle. La première représentation y est donnée en 1629. Ne cherchez pas de toilettes, il n’y en a pas. Ce n’était pas la préoccupation de l’époque… Il faut aussi visiter le Musée National du Théâtre. Chaque été, Almagaro accueille en juillet le Festival International de Théâtre classique, une véritable référence dans le domaine culturel, dédié à un pays différent et ouvert à un large public. Les arts scéniques, la littérature et la musique y sont représentés.



Dans son écrin de verdure avec piscine, le Parador « Patio de Los Altos » est le lieu de villégiature idéal où résider à cette occasion.



A Viso del Marques, le palais du marquis de Santa Cruz, une merveille renaissance…


Au sud-ouest de la province de Ciudad Real, Viso del Marques, est une jolie petite ville qui mérite une étape pour ne pas manquer la visite du palais du marquis de Santa Cruz, don Alvaro de Bazan. Cet amiral de la marine espagnole pendant le règne de Felipe II, s’est notamment illustré lors de la bataille de Lépante, une bataille très importante sur la côte occidentale de la Grèce.



Ce palais renaissance est une petite merveille de style italien, situé à mi-chemin entre Madrid où résidait la Cour et Séville, port fluvial et base des expéditions espagnoles à l’époque. Des fresques représentent les batailles auxquelles le marquis a participé, d’autres, sa famille. Très intéressante également, la salle dite « mythologique ». Actuellement, le palais est le siège des archives générales de la marine espagnole, soit 15 km d’archives tout de même ! A visiter également, juste à côté, l’église Notre Dame de l’Assomption, construite au XVe siècle. On y voit « le lézard de Viso, un crocodile rapporté lors d’une expédition sur le Nil considéré comme un symbole de protection.



Dans la province d’Albacete, Alcaraz une petite ville au charme certain...


Continuons notre périple au sud-est de la Castilla-La-Mancha, au cœur de paysages sauvages entre gorges escarpées et plaines fertiles que forment la sierra de Segura et d’Alcaraz. Cette ancienne ville impériale au temps de Charles Quint sur le fleuve Mundo, s’organise autour de la Plaza Mayor une belle et vaste place construite au XVIe siècle destinée à accueillir une grande foire.



Elle est bordée des édifices les plus remarquables de la ville, la Bourse du Corrégidor, le grenier communal, l’édifice du commerce de la vente du bétail. La façade de la Douane de style plateresque est très belle. Dans un angle, deux tours, de la Trinidad et d’El Tardon se font face, l’une représentant la religion et l’autre l’état. Un ensemble curieux entre lequel se glisse une ruelle pittoresque. Du sommet du clocher de la Tour El Tardon, la vue s’étend sur la grand’ place, les toits de la ville et la campagne environnante. A visiter également, le monastère de Cortes et l’église gothique dont une chapelle est due à l’architecte Andrés de Vandelvira.


Les moulins à vent d’Alcaraz de San Juan, les géants à abattre de Don Quichotte…


« A ce moment, ils découvrirent trente ou quarante moulins à vents qu’il y a dans cette plaine » Don Quichotte les vit et dit à son écuyer : « voilà devant nous au moins trente démesurés géants auxquels je pense livrer bataille et ôter la vie à tous tant qu’ils sont… ». Les moulins à vents ne font leur apparition dans la Mancha que dans la seconde moitié du XVIe siècle alors que les moulins à eau dans cette région aride ne pouvaient fournir l’énergie suffisante pour moudre le grain des grandes récoltes de céréales. On se tourna vers l’énergie éolienne. Il y avait de nombreux moulins à vent dans la Mancha comme en témoigne Cervantes, il en reste quelques-uns, dont les moulins d’Alcazar de San Juan, dont certains fonctionnent encore. On peut y voir moudre le grain d’une façon traditionnelle. Voir les heures d’ouverture au public.


Le Parc Naturel de Las Lagunas de Ruidera, un paradis bucolique secret…


Ici encore, nous suivons notre héros Don Quichotte. Cervantes décrit cette scène naturelle et situe plusieurs passages de son oeuvre aux alentours. Délaissant les villes « renaissance, » à un peu plus d’une heure de route, le changement de décor est radical. Le parc naturel des lacs de Ruidera est une jolie surprise à mi-chemin entre la province de Ciudad Real et celle d’Albacete. Aussi appelés « les miroirs de la Mancha », 15 petits lacs aux eaux cristallines d’une couleur turquoise étonnante, se succèdent sur 20 km de long, séparés les uns des autres par des cascades, des petits ruisseaux et des cours d’eau souterrains. Le dénivelé est de 128 m. Le sol karstique de la région, essentiellement calcaire, très poreux, miné de cavités, de fissures explique ce phénomène au cœur d’une région La Mancha renommée aride. Les lacs de Ruidera sont considérés comme la source du Rio Guadiana.



Dans ce cadre magnifique de lacs plus ou moins grands, de cascades, de piscines naturelles, d’eaux ruisselantes, de plages aménagées au cœur d’une végétation de roseaux, de joncs, et aussi de chênes verts, un chemin pédestre est bordé de terrasses, de restaurants et d’hôtels. Il faut laisser la voiture sur un parking, pour mieux profiter du cadre exceptionnel et préserver autant la faune dont beaucoup d’oiseaux qui passent l’hiver sur place que la flore. On peut facilement s’y déplacer à pied, à vélo et une dizaine de sentiers de randonnée et des parois d’escalade s’adressent aux plus sportifs. Les villages des environs comme Ossa de Montiel, Argamasilla de Alba, Villanueva de los Infantes, Tomelloso, Ruidera ont un intérêt culturel évident, ainsi que le château fort Rochafrida à côté des lacs.



Plongée historique dans le Parc archéologique de Segobriga…


Le site archéologique est très étendu et les paysages sont les mêmes qu’au temps des romains. Prévoir de bonnes chaussures et une bouteille d’eau en cas de grosse chaleur. Dans la province de Cuenca, à 6 km de Saelices, s’est développé dès le 1er siècle av. J.C, et surtout aux Ier et IIe siècle ap. J.C. une importante ville romaine. Les romains trouvaient dans la région un minéral très important pour la fabrication du verre, le lapis specularis (micas, gypse) de très belle qualité, une pierre transparente utilisée pour les fenêtres, les mosaïques. Des mines aussi importantes existaient à la même époque aussi à Chypre, en Sicile, en Cappadoce.



On emprunte la voie romaine qui passe d’abord par la nécropole où sont creusées de petites tombes car les travailleurs des profondeurs des mines étaient jeunes et mourraient jeunes. Il faut ensuite marcher jusqu’au théâtre qui pouvait contenir jusqu’à 2000 personnes, l’amphithéâtre, la basilique, les portiques et les thermes qui donnent un aperçu de l’importance de la ville qui a compté jusqu’à 10 000 habitants. L’empereur Auguste y est venu trois fois. Le musée complète la visite en exposant de nombreux vestiges et surtout des sculptures.  - www.patrimoniohistoricoclm.es/parque-arqueologico-de-segobriga/



Le monastère d’Uclés, un édifice remarquable fondé par l’Ordre de Santiago…


En pleine campagne, toujours dans la province de Cuenca, le monastère et les  restes du château s’élèvent magistralement à l’horizon. La bourgade doit son importance à l’Ordre de Saint-Jacques dont c’était le chef-lieu territorial, qui a œuvré à la reconquête et a fondé des hôpitaux.



Le monastère construit par Francisco de Mora, disciple d’Herrera, au XVIe siècle s’étend sur un kilomètre carré de surface. Il est entouré de grandes murailles, de bastions, de contreforts et de tours à créneaux qui en font un extraordinaire ensemble défensif.



L’édifice s’organise autour d’un beau patio carré à deux étages qui conserve au centre une magnifique citerne. La façade sud, la plus connue, est l’œuvre baroque de Pedro de Ribera. Les deux grandes portes sont décorées de coquilles sur des croix de Saint-Jacques et sur le portail, la sculpture de l’Apôtre Saint-Jacques est tout à fait remarquable. L’église constituée d’une nef à transept et plusieurs chapelles latérales est phénoménale. Le retable comporte un tableau de Francisco Ricci. Un élégant escalier relie la cour au deuxième étage.

La visite commence par un petit film immersif dans l’histoire des chevaliers de Santiago à ne pas manquer. Toute la scénographie du monastère, entièrement repensée durant le confinement, rend le parcours très intéressant et convivial. Des évènements, des expositions temporaires, des conférences y sont organisés. La boutique propose de très bons produits régionaux l’huile d’olive, le vin d’appellation D.O. Uclés – Decantalo, les fromages, les amandes à rapporter sans hésitation. www.monsteriouscles.com


Notre carnet d’adresses



Hôtel La Caminera à Valdepenas le luxe voluptueux au cœur d’un paysage rural



Au cœur d’un panorama de terres rouges où s’étendent de vastes cultures d’oliviers, de vignes, de céréales, sur un territoire de grandes chasses privilégiées de la famille royale d’Espagnole et d’Angleterre, cet hôtel luxueux est un havre de paix et de bien-être. Les chambres sont vastes, d’un confort élégant. Attention toutefois de ne pas réserver une chambre donnant sur le parking, cela gâcherait votre séjour, préférez la vue sur l’impressionnant paysage de terre rouge ou la piscine. Le spa et sa piscine intérieure où s’adonner au plaisir du massage des jets s’ouvre par de larges baies sur l’extérieur. Les produits l’Occitane apportent leur touche méditerranéenne alors qu’un nouveau concept Olive Oil Spa Sommelier utilise les bienfaits de l’aromathérapie.



Le golf 18 trous par 72 s’étend sur un tapis de verdure ondulant. Un terrain de Pitch & Putt de 18 trous avec greens est bordé d’oliviers. Le must, la piste d’atterrissage pour jets privés, un espace exclusif et confidentiel. Au restaurant The Retama, le chef Javier Aranda réinterprète la cuisine traditionnelle et utilise les produits locaux, ce qui lui vaut une étoile au Michelin. La salade de perdrix rouge marinée grenade et pistache, le chevreau de lait confit à basse température et pomme au romarin et le Manchego cheese cake au coulis de fruits rouges épicés satisferont les palais les plus délicats. Informations : www.hotellacaminera.com


Restaurant Albamanjon dans le Parc de Las Lagunas de Ruidera



Dans l’hôtel Albamanjon*** un merveilleux petit hôtel dans un écrin de verdure au bord de la lagune de San Pedro, le restaurant à la décoration arabo-espagnole propose une cuisine locale délicieuse, le poulpe, le calamar, le, le gazpacho, le queso manchego y sont au rendez-vous. L’ambiance y est sympathique. Informations : hotel@albamanjon.net

Restaurant El Corregidor à Almagro



Si vous souhaitez connaître la gastronomie de la Mancha, c’est dans ce restaurant au cœur d’Almagro qu’il faut vous attabler. La cuisine la plus traditionnelle vous sera proposée dans le cadre d’un manoir du XVIIe siècle. Pipirrana manchego, asadillo macheo, le célèbre pisto manchego, le poulpe grillé, le ris d’agneau de lait sauté aux champigons, la brandade de morue, les poivrons piquillos farcis, le cochon de lait, les perdrix marinées, … La carte est très fournie de toutes ces spécialités qui émerveillent les papilles. Informations : www.elcorregidor.es

Hôtel Intur à Alcazar de San Juan


Au cœur d’un jardin arboré avec piscine, cet hôtel propose des chambres confortables et bien équipées. Informations : www.intur.com/hotel-alcazar-de-san-juan



Restaurant Casa Palacio à Uclès


Dans cet ancien palais Fernandez Contreras datant de 1542 dans le centre historique d’Uclès, à proximité du Monastère, un établissement élégant a pris ses marques. Le cadre du restaurant est chic, les tables joliment dressées, la cuisine raffinée et vous êtes assuré de déguster des produits de première qualité, également vendus à la boutique du monastère. Une très belle adresse à ne confier qu’aux becs fins.

Y aller :


Vols Iberia Paris/Madrid puis par la route jusqu’à Tolède. Site web : www.iberia.com

Pour en savoir plus :


Consulter le site www.spain.info

(Photos : Martine Delaloye)

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