L’Aisne bucolique et plurielle
le 10/08/2021
L’Aisne se laisse découvrir à travers la diversité de ses paysages, au fil de sa rivière dont elle tient son nom, de ses divers cours d’eau et de ses « territoires » Omois, Valois, Thiérache, Laonnois. Découverte...

Par Marina Lempert
La Première Guerre mondiale y a laissé une large trace ainsi que nombre de personnages illustres, politiques, écrivains, artistes, tels entre autres Nicolas de Condorcet, Jean de la Fontaine, les Frères Le Nain … La richesse de son histoire, son remarquable patrimoine bâti entre châteaux en abbayes, son développement forestier, ses ressources en agriculture et ses savoir-faire en font une destination attachante.
En pays de Thiérache; au cœur du bocage...
Vallonnée et verdoyante, surnommé « la petite Normandie » la Thiérache se caractérise avant tout par le bocage, typique d’une région laitière qui s’est tournée vers l’herbage. On y retrouve haies d’épineux, chênes tétards et des habitats traditionnels de brique et pierre bleue, pierre naturelle calcaire, brillante, gris-bleu à noire, issue peut-être des profondeurs marines.
A Guise, un lieu unique : le Familistère...
Familistère : étymologiquement « établissement où plusieurs familles ou individus vivent ensemble dans une sorte de communauté et trouvent dans des magasins coopératifs ce qui leur est nécessaire ». Construit à partir de 1858 par Jean-Baptiste André Godin (1817-1862), qui s’inspire directement du projet de Phalanstère - ensemble de bâtiments à usage communautaire formé par la libre association des ses membres - de Charles Fourier, -1772-1837-, précurseur du socialisme et du féminisme français, dont il partage les idées et qui prônait ainsi le socle d’un nouvel Etat.

Godin né à Esquéhéries d’un père artisan serrurier, fait son tour de France et vit une vie d’ouvrier et d’artisan après avoir rejoint sa ville natale et ouvert son atelier de serrurerie. Après avoir transféré ses ateliers à Guise et ouvert également une fonderie en Belgique, il poursuit ses activités d’industriel spécialisé dans les poêles en fonte où il prospère.
Une utopie réalisée...

Ce « Palais Social », comme Godin aimait à le définir, « Versailles ouvrier » est composé de 3 unités d’habitation juxtaposées, ou Pavillons, formées par une cour intérieure vitrée. La corniche qui règne sur l’ensemble, ainsi qu’une série de bandeaux horizontaux contribuent à l’unité du bâtiment. Les plans et la construction qui a nécessité 10 millions de briques, ont été initiés par Godin, qui disposait d’une image, celle du Phalanstère, et d’un modèle, le Grand Hôtel du Louvre élevé à Paris en 1855 autour d’une cour intérieure vitrée.
Ces logements collectifs, comptaient 195 appartements pour 1700 habitants à la fin du 19ème siècle. Spacieux et modernes, ils offraient un niveau de confort élevé pour l’époque et disposaient d’équipements collectifs : économats, buanderie, piscine, école et théâtre. Hygiéniste convaincu, Godin inclut dans ces « équivalents de la richesse » tout ce qui garantit la salubrité du logement. La luminosité des appartements, la circulation de l'air, l'accès à l'eau potable à chaque étage sont des fondamentaux que garantit l'architecture particulière des bâtiments. Le soin du corps est assuré par la création d'une buanderie, située près du cours d'eau, dans laquelle on lave et sèche le linge, évitant ainsi les odeurs d'humidité dans les logements. Des douches et une piscine dont l'eau, provenant de l'usine toute proche où elle a servi à refroidir les tuyaux, arrive à parfaite température, complètent l’ensemble.

Enfin, Godin met en place un système de protection sociale en créant des caisses de secours qui fournissent une protection en cas de maladie ou d'accident du travail et assurent une retraite aux plus de 60 ans. Le Familistère, devient alors le haut-lieu des 19ème et 20ème siècles de l’histoire économique et sociale de la région et même de la France.
100 ans d’expérimentation sociale....
Le Familistère et ses usines sont de 1860 à 1880, un champ d’expériences sociales et économiques préparatoires à la constitution d’une association domestique et industrielle de Godin, des travailleurs et de leur famille. Un conseil du Familistère, composé d’élus par les habitants, est créé en 1860 pour veiller au bon fonctionnement de l’habitation unitaire et de ses services. S’ensuivent récompenses des mérites, Livre d’honneur, réflexion collective sur l’accroissement de la productivité, répartition des bénéfices, participation au capital de l’entreprise, propositions d’amélioration sur tout sujet industriel ou domestique. L’« Association coopérative du capital et du travail, société du Familistère de Guise », fondée en 1880, est présentée comme un modèle de mutualité nationale, d’émancipation de la classe des travailleurs, d’une éducation intégrale du « berceau à l’âge adulte ».

Un système éducatif intégral...
Autodidacte, Godin considère que l’éducation est la condition de l’émancipation des classes populaires. Elle y est donc accessible à tous, gratuite car dispensée aux frais de l’établissement industriel, et mixte, fait rare à l’époque, « règle naturelle » pour Godin. Elle est également laïque et obligatoire jusqu’à 14 ans et « intégrale » : intellectuelle, physique et morale. Crèche, Bambinat, école primaire ; les enfants, sont répartis en 7 classes d’âge. Ils peuvent ensuite entrer en apprentissage dans les ateliers industriels ou les services du Familistère, « à moins d’une autre vocation ». Le théâtre, avec conférences et spectacles, la bibliothèque ouverte le soir afin que tous puissent s’y rendre après le travail, viennent renforcer son vaste projet éducatif.
Des émules...

Nombre de personnes engagées dans la réforme du système éducatif ont visité le Familistère pour découvrir ses institutions modèles. Telles le pédagogue anarchiste Paul Robin, l’éditeur de périodiques illustrés de pédagogie nouvelle Jules Delbruck ou Jean Macé, militant pour l’éducation populaire et fondateur de la Ligue de l’enseignement en 1865.
1968 : la fin...
L’Association continue de fonctionner pendant quatre-vingts ans après la mort de Godin, dans un cadre statutaire presque inchangé. Cependant, des tensions de plus en plus vives apparaissent en son sein au cours du 20 ème siècle. En particulier, les associés et les sociétaires, qui habitant au Palais social, sont considérés comme des privilégiés par les salariés des autres catégories sociales. À partir des années 1950, les rivalités diverses, la faiblesse des investissements dans l’équipement industriel, le manque d’innovations et la concurrence exacerbée par l’ouverture du marché commun européen conduisent finalement à la disparition de l’Association. Le 22 juin 1968, la société du Familistère est dissoute et les titres d’épargnes transformés en actions. Une société anonyme est formée, Godin SA, rachetée en 1970 par le groupe Le Creuset. Le nouveau PDG, Paul Schmitt, se présente comme un patron « anti-Godin ».
Depuis 1991, la réhabilitation...
Le Pavillon central est classé depuis 1991 au titre des Monuments Historiques. Son ancien jardin, bénéficie d'une inscription en 1991. Depuis 2010, il accueille un musée, classé Musée de France. La cour a été l’objet d’un important programme de restauration et d’aménagement de 2006 à 2014. Une part importante des salles d’exposition du musée de site du Familistère ont été aménagées dans les anciens logements. Mais des habitants vivent toujours dans les ailes sud et ouest du Pavillon central. Tout se visite entre ébahissement et admiration, devant l’ampleur et la beauté des bâtiments, de la cour, du théâtre, des jardins. Une utopie rare, réalisée et qui laisse songeur quant à une société idéale. Adresse : Familistère de Guise- 262 Cité Familistère- 02120 Guise, tél. +33 (0) 3 23 61 35 36 - www.familistere.com
A propos de la visite : Compter un minimum de 3 heures de présence sur le site. Demander Christian Noisette comme guide, il a passé au Familistère, toute son enfance, son adolescence et sa vie professionnelle comme professeur puis directeur de l’école. Buvette, restaurant, boutique..
A voir aussi...
Le château-fort de Guise, forteresse des célèbres Ducs, qui doit ses 1000 ans d'occupation militaire ininterrompue à la situation historique et géographique clef de la Thiérache.
En chemin, les églises fortifiées...

Seules les Ardennes et l’Aisne possèdent un tel exemple de bâti. Érigées pour la plupart aux 16ème et 17ème siècles, les quelques 71 églises fortifiées de la Thiérache résultent d’une de la double contrainte de l’édification religieuse et de la défense militaire. On peut en suivre le circuit sur 150 km environ. Site web : www.tourisme-thierache.fr
Laon, ville d’art et d’histoire...
Laon, actuelle préfecture de l'Aisne, ancienne capitale du Royaume de France de 895 à 988, invite à une promenade voyage dans le temps…

La Cité médiévale
Perchée sur une butte témoin, elle comprend la ville intérieure aux remparts ainsi que les fortifications et leurs glacis, soit une superficie de 370 ha, ce qui en fait le plus grand secteur sauvegardé de France. Ses 8 km de remparts, lui confèrent son appellation de « Montagne couronnée ».
Les Souterrains
On peut visiter également les étonnants souterrains, en circuit immersif de vidéos et effets sonores, qui retrace l’histoire de la ville de 40 millions en arrière jusqu’au milieu du 20ème siècle, dans une longue enfilade de galeries.
La cathédrale Notre-Dame

Erigée de 1155 à 1235, sa façade, ses cinq tours jouant entre lumière, plein et vide, la Nef à quatre étages à laquelle on peut accéder, son Cloître, ses vitraux, en font l’un des chefs d’œuvre du premier âge gothique. Adresse : Place du Parvis 02000 Laon, tél. + 33 (0) 3 23 20 28 62. Demander Philippe, puits d’érudition, pour la visite guidée.
Nos adresses :
Thiérache : Sur la route des églises fortifiées de Thiérache et près d’un débarcadère de canoë-kayak, pour un séjour calme et convivial. Carte de 80 bières. Table d’hôte possible pour les randonneurs. Adresse : Les Succculentes - Chambres d’Hôtes et Estaminet 1, Rue du Moulin 02260 Englancourt, tél. +33 (0) 6 01 44 58 85 - www.tourisme-thierache.fr
A Laon : Guest House et appartement de tourisme au cœur de la Cité médiévale. Adresse : La Maison des 3 Rois, 17 rue Saint-Martin, Laon, tél. +33 (0) 3 23 20 74 24 - www.lamaisondes3rois.com
Y aller :
Depuis Paris : A1 direction Lille-Bruxelles puis la Francilienne A104 en suivant la direction Soissons. L’autoroute de l’Est - A4 direction Reims-Strasbourg puis Sortie Château-Thierry (sortie 20). Depuis Lille : A1 direction Paris puis l’autoroute des Anglais - A26 en direction de Reims et Sortie Saint-Quentin (sorties 10/11). En train : depuis Paris Gare du Nord : arrêt à Laon.Pour en savoir plus :
Comité Départemental du Tourisme de l’Aisne 26, avenue Charles de Gaulle-02000 Laon, tél. + 33 (0) 3 23 27 76 76. Sites web : www.jaimelaisne.com - Agence Aisne Tourisme, avenue du Maréchal Foch Parc Foch 02000 Laon, tél. +33 (0)3 23 27 76 76. Site web : www.aisne-tourisme-pro.com
Office de tourisme du Pays de Laon, Hôtel-Dieu- 02000 Laon, tél. : 33 (0)3 23 20 28 62. Site web : www.tourisme-paysdelaon.com
(Crédit photos : Familistère de Guise, Georges Fessy, 2016, Xavier Renoux, 2016, Horizon Bleu, Colin, Aisne-tourisme, Marina Lempert).
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